Bardot, la star latine

Venu du Nord, amoureux du Sud, Robert Bardot mêle cuisine provençale et saveurs exotiques. Frais et épicé !

Gilles Pudlowski

Cela fait drôle de retrouver ce vieux briscard du Nord, jadis star de Lille au Flambard, dans un moulin de charme des bords de l'Ouvèze. Robert Bardot, c'est bien lui, s'est rallié aux saveurs provençales, qu'il mâtine d'idées exotiques, notamment de l'Inde méridionale, son coup de coeur.

Ce natif de Franche-Comté, amoureux du Sud, technicien malicieux, MOF de la promotion 1976, celle de Joël Robuchon, n'a pas perdu son doigté. On aime prendre chez lui des leçons de choses, redécouvrir sous la houlette artiste de ce peintre du dimanche qui noircit ses toiles en semaine des mets de caractère qui séduisent sans mal. Il y a là quelques chambres d'hôtes chaleureuses au pied de la Vaison médiévale, un accueil délicieux d'une Mme Bardot qui ressemble à Michèle Morgan, une salle fraîche, une terrasse ombragée, et tout ce qu'on aime en matière de plats frais, épicés, précis.

Cela se nomme gaspacho de tomate, qui tient presque du bloody mary avec sa sauce épicée au tabasco, ses chips de jambon serrano, sa fine brandade de morue à la râpure d'ail, avec sa petite émulsion à la truffe, ses petits rougets à l'huile de safran, aïoli et pain tomaté, son boudin de homard cuit à la vapeur de gingembre et citronnelle, beurre et mousse de lait de coco ou encore son saumon confit à la graisse de canard mi-cuit avec sa purée de brocoli, son petit jus à la poudre de noisettes et aïoli.

Il y a le formidable pigeon rôti bien rouge, si tendre, le suprême au sel de vanille, la cuisse confite avec ses légumes croquants au wok, sa julienne de mangue verte au jus des îles. Ou encore l'agneau tendre façon tandoori, à l'indienne, avec ce « sublime des Indiennes en Sari » qui est une crêpe d'oeufs aux légumes relevés d'épices qui transporte au Kerala, comme sa divine semoule mène, elle, au nirvana.

On n'oublie pas de saluer les desserts (les figues rôties aux amandes et miel d'acacia ou les pêches marinées au vin de Carthagène et combava râpé), plus une carte des vins qui fait la part belle aux meilleurs des crus de la Provence, dont un superbe rosé du Ventoux, Château Fondrèche. Et l'on dit que la star Bardot, en sa version sudiste, avec des pointes nettes du côté de l'Asie, n'a rien perdu du talent qui faisait jadis perdre le nord aux habitués du Flambard, à Lille.

On y ajoute des petits-fours d'exception, comme ces mini-tartes Tatin fondantes, ces petits sablés, ces macarons à fondre, signés du maestro, et l'on se dit qu'à 69 ans aux mirabelles notre gars Robert passe pour l'un des derniers grands cuisiniers artisans en exercice. Autant dire un dinosaure de charme

© le point 12/09/03 - N°1617 - Page 124